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Gabon : La démission du Pape annonce l’arrivée d’un monde multipolaire et son successeur sera Africain

Libreville, 13 février 2013 (Infos Gabon) – L’annonce de la démission du Pape Benoît XVI a suscité des réactions dans le monde entier. Dans tous les coins de la planète les hommes, les femmes, les jeunes, les politiques, les croyants et non croyants se sont exprimés face à cette décision historique du souverain pontife. Au Gabon, à part la réaction du Président Ali Bongo Ondimba, d’autres hommes politiques ont aussi donné leur point de vue. C’est le cas de Bruno Ben Moubamba, ancien candidat à l’élection présidentielle anticipée du 30 août 2009, ancien Vice-président de l’ex UN, actuel membre de l’UPG, très proche de l’église catholique, c’est lui qui avait donné l’idée d’organiser le jubilé du Pape Jean Paul II au Gabon au cours duquel le défunt Président Omar Bongo avait promis aux catholiques une basilique, dans une interview qu’il a accordée dimanche à Infosgabon.com, il estime que cet acte de Benoît XVI est une surprise et un coup de tonnerre pour le monde catholique et le monde entier. Pour la succession, il pense que le prochain Pape sera Africain (Ghanéen). En tant qu’ancien Mr Afrique à Radio Notre Dame et journaliste à KTO (la chaîne de télé française catholique), Bruno Ben Moubamba connais un peu les arcanes de l’Église. Voici les détails de l’interview.

Infos Gabon. Dans l’histoire des religions, vous qui êtes proche de l’église catholique, une telle situation s’est déjà produite dans le passé, c.à.d. la démission d’un Pape ? Quelles peuvent être les conséquences d’un tel acte ?

Bruno Ben Moubamba. Le Pape Benoît XVI a annoncé sa démission. C’est une surprise et un coup de tonnerre pour le monde catholique et le monde entier. C’est une décision sage et pleine d’humilité mais c’est un choc pour les Catholiques.

Elle est sans précédent pour l’époque contemporaine. C’est arrivé au Moyen-âge dans des époques très compliquées et conflictuelles.

C’est un homme de Dieu qui fait preuve d’humilité. Au-delà de ses problèmes de santé, on voit bien que le Pape Benoît XVI a compris que le monde a changé et plus encore : il est en train de changer à grande vitesse.

De gros nuages lourds se sont accumulés sur le monde et l’humanité va connaitre de profonds bouleversements. L’autre information majeure du jour passé inaperçue aujourd’hui est le fait que la Chine est passée économiquement devant les USA : nous sommes entrés dans ce que Martin Luther King a appelé le tourbillon créateur d’une vraie civilisation qui commence à naître dans les douleurs de l’enfantement. C’est un nouveau monde qui s’annonce à l’horizon. Le Pape est aussi le “serviteur des serviteurs” et il en tire les conséquences. Il a voulu positionner l’Église (experte en humanité) pour le 21ème  siècle.

Nous sommes devant une réalité où les cultures devront rentrer en dialogue pour que l’humanité survive. La puissance des bombes ne suffit pas pour inventer le futur. Benoît XVI a compris cela et sait, pour avoir été à l’école de Jean Paul II, qu’il faut diminuer pour qu’un autre grandisse. C’est l’intérêt du monde.

Alors quelles conséquences ?

Le retrait du Pape Benoît XVI va accélérer l’arrivée du monde nouveau comme la venue de Jean Paul II a permis la fin du monde ancien symbolisé par le Mur de Berlin.

Il va falloir que les occidentaux apprennent à partager avec un monde qu’ils ont longtemps dominé sans partage et souvent dans la brutalité.

Benoît XVI est le signe annonciateur d’une civilisation puissante qui accepte de s’effacer quelque peu pour permettre un monde multipolaire et non une mondialisation unipolaire tentée par la guerre permanente.

Vous devez comprendre que les papes ne luttent pas pour leur famille, mais pour autre chose qui dépasse le cadre du monde réel et vivant tel que nous le connaissons. Cela s’appelle, pour les croyants, le contact avec Dieu. Et Dieu est en chacun.

C’est un petit évènement à l’échelle d’un homme (Joseph Ratzinger) mais une grande accélération pour la civilisation.

Ses conséquences sont spirituelles (l’attente d’un nouveau Pape) et géopolitiques (l’origine d’un Pape a toujours des conséquences énormes sur la marche du siècle comme on l’a vu avec Pie XII, Jean XXIII ou Jean Paul II). La preuve que le monde entier est saisi de stupeur alors qu’au moment où je vous parle la ville de Rome est recouverte de nuages noirs et qu’il pleut abondamment sous un ciel déchiré par des éclairs. C’est un vrai coup de tonnerre. Comme si le ciel exprimait aussi une sorte de colère.

Infos Gabon. Juste après sa démission, le débat est lancé sur sa succession. Pensez-vous que le prochain Pape sera Africain, comme vous l’aviez publié sur votre site web ?

Bruno Ben Moubamba. Ecoutez, nous les Catholiques, savons que le Pape est désigné par le saint Esprit et que quiconque entre “Pape” au Conclave (l’assemblée des cardinaux qui élisent le Souverain Pontife) en ressort Cardinal.

Toutefois, il faut savoir situer les choses également dans une perspective rationnelle. Oui, au plan spirituel, nous disons “laissons la volonté de Dieu s’accomplir”, après tout comme disait Blaise Pascal “le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas”. Cependant, nous voyons mal l’élection d’un nouveau Pape occidental pour la simple raison que l’essentiel des énergies de la spiritualité chrétienne se trouve désormais en Amérique latine et … en Afrique.

La France par exemple ne se situe plus dans une dynamique chrétienne dans ses choix et c’est pareil ailleurs en Europe : les Chrétiens sont devenus une minorité, agissante, mais une minorité quand même. Un exemple : les Européens sont plus intéressés par les questions des mœurs alors que la majorité catholique sud-américaine ou africaine a plus besoin de justice, de paix et de vérité dans tous les domaines. Selon les lois de la majorité, il serait logique qu’un Pape sud-américain ou Africain soit désigné à l’issue du conclave de début mars.

Je suis un homme d’intuition et aujourd’hui mon intuition me dit que le Cardinal Peter Turkson Appiah du Ghana est bien placé pour devenir le 266ème  successeur de Pierre.

Pourquoi ?

D’abord comme l’a chanté Shakira lors de la Coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud : “It is time for Africa”.

L’Afrique est le berceau de l’humanité, le continent le plus riche du monde et la terre qui comporte le plus de jeunes : avant la fin du siècle, nous serons 2 milliards d’habitants (plus que la Chine) et la moitié de nos jeunes auront moins de 19 ans. Si les politiciens du monde entier ont échoué à donner un sens aux 5 siècles de souffrance sans nom que les Africains viennent de vivre, qui mieux que l’Église catholique peut le faire ? Jean-Paul II n’a t-il pas accéléré la libération des “Pays de l’Est” ?

L’Amérique du sud a déjà connu l’évolution sans précédent à travers les églises évangélistes et la théologie de la libération d’essence jésuitique. Pour nous, l’avenir de l’humanité se joue en Afrique et pas seulement sur un plan géostratégique (les ressources des nouveaux consommateurs ou les matières premières avec leurs conséquences économiques, politiques ou militaires), la question des ressources spirituelles est capitale alors qu’un conflit de civilisations a déjà commencé du Nigéria au Mali, du Soudan au Cameroun ou de la Côte d’Ivoire au Kenya. Si le temps de l’Afrique n’est pas maintenant alors il ne viendra jamais car les Africains attendent depuis 5 siècles. Il appartient à l’Eglise de finaliser la repentance que Jean Paul II a lancé autour de l’an 2000 en portant à sa tête un Pape issu d’un continent crucifié précisément depuis qu’à Valadolid (Espagne), le catholicisme a laissé faire l’esclavage au détriment des Africains, après la fameuse controverse de Valladolid, un débat qui a opposé essentiellement le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda en 1550 et 1551.

Le Cardinal ghanéen Peter Turkson Appiah émerge comme un candidat favori à la succession de Benoît XVI.

Il est relativement jeune, il est actuellement le président du Conseil pontifical en charge de Justice et de Paix. Il est polyglotte et parle six langues. Il est né au Ghana le 11 octobre 1948. En 2003, il a été élevé au rang de Cardinal par le défunt pape Jean-Paul II. Dans l’une de ses déclarations concernant la succession du pape, le Cardinal Turkson avait estimé que «si Dieu voudrait voir un noir en tant que pape, que gloire soit rendu à son Nom ».

Effectivement, un autre africain, le Cardinal Francis Arinze du Nigeria est aussi en vue mais on ignore si les Cardinaux peuvent désigner un autre candidat relativement âgé. Dans tous les cas, le Président Obama a déjà préparé l’inconscient du monde, à travers sa présidence des USA, à cette idée que la perspective d’un pape noir pour diriger le Saint-Siège et au delà l’église catholique universelle, n’est pas impensable.

Je vous rappelle enfin que le Ghana a été jusqu’ici le seul pays africain visité par Barack Obama et que le ghanéen Kofi Anann a été un très grand Secrétaire Général de l’ONU. De plus, un autre fils du Ghana, John Agyekum Kufuor, né le 8 décembre 1938 à Kumasi, un ancien président de la République du Ghana (2001-2009) et président de l’Union africaine (2007-2008), a mis son pays sur la voie de la démocratie de façon exemplaire.

M. Kufuor qui est un fervent chrétien est un des symboles de la vitalité du Ghana et de l’Afrique. Pourquoi pas le Cardinal Peter Turkson ?

Infos Gabon. Que ce qui va changer, que le prochain Pape soit Africain ?

Bruno Ben Moubamba. Il est souhaitable et fortement probable que le nouveau Pape soit Ghanéen en mars prochain, quoi qu’on en pense ! Il n’y aura pas de changement pour le Vatican car il n’y a pas plus romain que les Africains et tout le monde le sait. Les évêques africains passent beaucoup de temps au Vatican et savent tout des subtilités du Saint Siège.

Il ne s’agit pas d’avoir un Pape africain pour la vitrine. Jean Paul II a dit que l’Eglise est experte en humanité et sur quel continent se trouve l’humanité la plus blessée aujourd’hui ? En Afrique : guerres, manque de soins, taux de scolarisation extrêmement bas, absence d’infrastructures significatives, injustices envers les plus fragiles (femmes, enfants, personnes âgées …), faim, conflits de tous genres …etc. L’Eglise catholique peut réussir là où les décideurs ont du mal. C’est l’intérêt des Africains et du monde entier car, encore une fois, le berceau de l’humanité c’est l’Afrique. Il est temps que le monde prenne soin de son berceau et pas seulement en termes de profits, de guerres, de pouvoir ou de culture.

Infos Gabon. Avez-vous autre chose à ajouter ?

Bruno Ben Moubamba. Je dirai un petit mot aux catholiques gabonais. L’Eglise Catholique du Gabon et les catholiques Gabonais doivent s’attendre à de profondes mutations et s’adapter aux accélérations de l’histoire. En tant que premier pays à avoir reçu l’évangile au sud du Sahara nous ne jouons pas encore le rôle que le monde attend de notre pays. Disons que le meilleur est à venir ?

FIN/INFOSGABON/CE/2013

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